Publications CIRI

« Mariages islamo-chrétiens » (juin 2011)
Vous êtes agent pastoral ? Des couples islamo-chrétiens s’adressent à vous pour une célébration de leur mariage dans une église et une reconnaissance de ce mariage par l’Eglise catholique ?
La CIRI (Commission interdiocésaine pour les relations avec l’Islam) et El Kalima vous proposent des pistes d’analyse et des outils pour la réflexion et la rencontre.
Eléments théoriques et pratiques concernant l’accueil de ces demandes : clarification de celles-ci, prudences à avoir, statut ecclésial de ce mariage mixte, etc.
textes pour différentes possibilités de célébration religieuse en fonction de la demande informations sur les divers aspects juridiques concernant ces mariages dans le droit belge, dans le droit marocain, dans le droit turc et dans le droit canon.
Un instrument qui contribuera à la qualité et à la vérité de l’accueil et de la célébration de mariages islamo-chrétiens, tout en explicitant les difficultés de différents ordres que comporte cette réalité : différences de culture, malentendus sur le sens des mots et des conceptions, tensions entre les différents droits nationaux.
À commander au Centre El Kalima, au prix de 10€.
La formation des imams en Belgique
Une orientation pour le débat qui concerne la politique sociale (avril 2007)

1. Le rôle de l’imam dans la tradition
Tous les pays européens se trouvent devant l’énorme défi d’intégrer une communauté islamique plurielle dans la société, et l’islam, dans le système juridique et politique. Cette situation est à la fois un défi pour les Etats qui prônent une intégration individuelle (France) et pour les Etats qui favorisent une intégration communautariste (Grande Bretagne). Les recherches pour trouver une solution aux problèmes se sont accentuées depuis les attentats de New York (2001), Madrid (2004) Londres (2005) et les événements dans les banlieues en France (2005). Les gouvernements mettent en avant l’imam comme un constructeur de ponts entre le pays d’accueil et les musulmans immigrés.
Cependant, l’imam n’a pas de fonction dans la société comparable aux juristes (muftis), aux savants (‘ulama) ou aux califes. A l’origine la tâche de l’imam consiste à diriger la prière rituelle à la mosquée et sa fonction se termine avec la fin de la prière. Relativement tôt les califes nommaient des hommes attachés à une mosquée pour l’animation de la prière, pour le prêche du vendredi midi, pour produire un enseignement religieux dans les écoles coraniques, pour assurer les actes juridiques (contrat de mariage) ou rituels (enterrement) et pour répondre aux questions morales des croyants. Les responsables des mosquées sont exclusivement masculins. Et finalement, dans les temps modernes, ils sont devenus fonctionnaires ou employés de l’Etat et rémunérés par lui.
2. L’imam en Belgique aujourd’hui
Dans la diaspora européenne, les imams ont dû remplir des fonctions beaucoup plus diversifiées. La société demande qu’ils interviennent sur les terrains religieux, culturel, éducatif, politique et social. Elle attend d’eux un soutien à l’intégration des immigrés et les compare ainsi avec les clercs des religions présentes depuis des siècles. Puis, étant donné que la transmission de la religion est culturellement différenciée, les imams deviennent aussi vecteurs de la tradition ethnique et culturelle : marocaine, kurde, pakistanaise, turque ou autre. Et enfin, quant aux champs sociaux, leur fonction porte sur des conseils individuels ou collectifs sur la manière de vivre en tant que musulman dans un contexte européen sécularisé et pluraliste. C’est dans ce domaine que se situe le débat sur le rôle de l’imam en Belgique.
L’Exécutif des musulmans en Belgique (EMB) a également tenté de clarifier la situation en introduisant la distinction entre :
- Le Grand Imam de Belgique : Le Mufti du Centre Islamique et Culturel est à titre informel le Grand Imam de Belgique. C’est la reconnaissance de ses pairs qui lui a valu son statut de Grand imam. Il a présidé la commission de théologie de l’EMB. Il est également membre du  » Concile Européen pour les Fatwas et la Recherche « , à Dublin. Il a suivi l’enseignement de la madrasa de son père et à l’université de Qarawiyyîn à Fez (Maroc).
- L’imam-khatib ou imam de 1er catégorie : il possède une formation universitaire et assure les sermons du vendredi. – L’imam ratib ou imam de 2e rang : il encadre les cinq prières quotidiennes ainsi que les veillés pendant le mois de ramadan.
- L’imam de 3e rang : il dirige le muezzin, veille au matériel de la mosquée ou salle de prière et remplace l’imam de 2e rang en cas d’absence.
- L’imam-assistant : il exerce une fonction auxiliaire, en particulier pour enseigner l’islam aux adultes et aux enfants.
- Al-moujawwid : sa fonction principale consiste à réciter et à psalmodier le Coran, notamment au moment du mois de ramadan.
- Le muezzin : est chargé d’appeler à la prière.
Contrairement à la classification ci-dessus, la plupart des mosquées en Belgique fonctionnent avec un seul imam permanent qui assure les différentes tâches décrites. La carence d’imams formés en Belgique ou dans d’autres pays européens suscite des problèmes.
Pour le recrutement des imams, plusieurs modes sont pratiqués : soit, le comité de la mosquée décide d’être autonome, alors il fait appel à quelqu’un qui a acquis une notoriété locale de par sa compétence réelle ou supposée. Cette personne n’est formée ni à la rhétorique ni à la science islamique . Soit les responsables de l’association (mosquée) font venir quelqu’un de l’étranger par ses propres moyens. Pour des motifs idéologiques ou financiers, les responsables locaux se tournent vers des organisations plus grandes, souvent concurrentes entres elles, qui s’immiscent ainsi de manière consensuelle. Deux voies sont possibles. La première consiste à faire appel au gouvernement des Etats d’origine des immigrés musulmans, filière qui accroît la dépendance des communautés locales. Le Présidium des Affaires Religieuses à Ankara pour les Turcs, la Grande Mosquée de Paris pour les Algériens et les représentations diplomatiques du Maroc et de l’Arabie Saoudite interviennent également. Mais il y a aussi des imams en Belgique qui sont formés dans des instituts privés (Suleymanci, Milli Görüs, Tabligh ou Nurçu dans l’interprétation de Fethullah Gülen). Une autre voie passe par le recours aux grandes organisations islamiques qui envoient des imams dévoués à leur tutelle idéologique.
En général, les imams envoyés par les gouvernements, par les Organisations internationales ou par les mouvements islamiques ont reçu une formation initiale classique qui consiste en un apprentissage par cœur du texte coranique et de sa récitation, du hadith, de l’histoire islamique et de rudiments de droit (sharî’a) et de jurisprudence (fiqh). En Turquie, ils viennent en général des écoles religieuses . Quelques-uns ont aussi suivi une formation de quatre ans dans une faculté théologique. Les imams provenant du Maroc ou du Pakistan sont généralement des imams de villages, présentant un niveau intellectuel et pédagogique beaucoup plus modeste. Avec l’arrivée de ces imams, de nombreux problèmes se posent. Ceux-ci relèvent d’une inadéquation entre la formation suivie et le niveau de connaissance requis pour être efficace au sein d’une communauté islamique en Europe. Ils sont souvent mal adaptés du fait de leur sous-qualification qui suscite des tensions avec la communauté locale composée d’adultes, souvent analphabètes, d’origine rurale ainsi que de jeunes imprégnés de culture ambiante. Ensuite, ils ne disposent généralement que d’une faible connaissance des langues du pays et d’un strict minimum d’information sur la Belgique. Leur condition est d’autant plus difficilement vécue qu’ils se trouvent souvent dans une situation de précarité sociale et administrative même si un statut légal est accordé aux imams, comparable à celui des autres ministres des cultes reconnus.
De plus, il y a des imams propagandistes qui circulent et interviennent de manière occasionnelle. Ils sont ou bien des prédicateurs itinérants pour la revivification de l’islam auprès des musulmans ou bien, ils sont rattachés à des courants idéologiques comme le  » tabligh  » et reçoivent généralement l’hospitalité dans les mosquées qui les invitent. Il se peut aussi qu’ils soient invités comme personnalités de passage (p. ex. Tariq Ramadan) ou pour la durée du mois de Ramadan .
3. Quel personnel former (imams, enseignants) pour l’avenir des musulmans en Belgique ?
- vu l’importance du nombre de musulmans vivant en Belgique ;
- vu la pluralité de l’islam traditionnel face au défi de la modernité et de la diaspora ;
- vu le manque de structure hiérarchique de la communauté musulmane ;
- vu la tradition des relations entre les Eglises et l’Etat en Belgique ;
- vu la reconnaissance juridique de l’  » Exécutif des musulmans de Belgique  » (EMB) et l’effort des pouvoirs publics pour appliquer le même traitement à l’EMB qu’aux Eglises, au consistoire juif et aux humanistes ;
- vu l’ingérence des gouvernements étrangers et des organisations internationales islamiques dans l’organisation des musulmans en diaspora ;
et, partant du point de vue que les communautés religieuses ont une contribution importante à apporter à la vie locale et nationale de notre pays, nous recommandons que les politiques adoptées reposent sur les principes suivants :
- le droit de pratiquer, de manifester et de changer ses convictions religieuses conformément à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme,
- la participation des communautés religieuses à la définition et à l’analyse des problèmes auxquels elles sont confrontées et à l’élaboration des politiques qui les concernent et qui favorisent l’intégration active ;
- il n’est pas du ressort des pouvoirs publics de décider quelles croyances ne doivent pas être considérées comme  » religions « . Leur rôle est plutôt de déterminer quelles activités, manifestations, pratiques ou revendications sont en accord avec la politique publique, au regard de l’ordre public et des droits fondamentaux de la personne.
La reconnaissance de ces principes dans l’espace public nous conduit à faire les recommandations suivantes : – lorsqu’il existe une présence religieuse ou conviction philosophique dans l’espace public (lieux de culte, cimetières, cours de religion etc.), toutes les religions et convictions doivent avoir accès aux mêmes facilités ;
- il convient de respecter les manifestations extérieures de la religion (particularités vestimentaires ou alimentaires) ;
-Il importe de disposer d’évaluations réalistes, provenant de sources diverses, du nombre des adhérents des communautés et organisations religieuses ou humanistes afin d’aider les gouvernements et autres organismes concernés à mettre en œuvre de façon effective les mesures nécessaires ;
- il est nécessaire que les universités ouvrent une filière de formation religieuse plus transparente pour le personnel de la mosquée (imam, prédicateur) et pour les enseignants de religion ;
- les musulmans doivent être encouragés, et si possible soutenus, pour développer l’instruction religieuse pour ceux qui travaillent comme  » aumôniers  » dans les hôpitaux, prisons et à l’armée tout en respectant l’islam pluriel . Ceci est d’autant plus nécessaire que le concept de l’aumônerie élaborée et pratiquée en Belgique est inconnue des musulmans ;
- la protection de la démocratie et de l’Etat de droit suppose que le personnel de la mosquée et les enseignants musulmans reçoivent un enseignement sur certains principes fondamentaux du fonctionnement de la société pour être sensibles à ces question
Hans Vöcking